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LES CHEMINS DE LA TRACE

Trois textes sur l'écoute

Veux-tu simplement m'écouter ?

Quand je te demande de m'écouter
et que tu commences à me donner des conseils,
je n'ai pas de réponse à ma demande.

Quand je te demande de m'écouter
et que tu commences à me dire pourquoi je ne devrais pas ressentir cela,
je ne me sens pas respecté.

Quand je te demande de m'écouter
et que tu commences à vouloir faire quelque chose pour résoudre mon problème,
je ne me sens pas aidé, aussi étrange que cela puisse paraître.

Ecoute, tout ce que je te demande, c'est que tu m'écoutes.
Non pas que tu parles ou que tu fasses quelque chose :
je te demande simplement de m'écouter.

Les conseils sont bon marché.
Pour deux euros, j'aurai dans le même journal
le courrier du cœur et mon horoscope.

Je veux agir par moi-même, je ne suis pas impuissant,
peut-être un peu découragé ou hésitant,
mais non impotent.

Quand tu fais quelque chose pour moi,
que je peux et ai besoin de faire moi-même,
je me sens dévalorisé et je ne progresse pas.

Mais quand tu acceptes comme un simple fait
que je ressente ce que je ressens (peu importe la rationalité),
je peux arrêter de chercher à te convaincre,
et je peux essayer de commencer à comprendre
ce qu'il y a derrière mes sentiments apparemment irrationnels.

Lorsque je vois clair, les réponses deviennent évidentes
et je n'ai pas besoin de conseil.

Les sentiments qui semblaient irrationnels deviennent intelligibles
quand nous comprenons ce qu'il y a derrière.

Peut-être est-ce pour cela que la prière marche, parfois, car Dieu ne parle pas.
Il ne donne pas de conseils à ceux qui n'en demandent pas.
Il n'essaye pas d'arranger les choses sans se soucier de ma liberté.

Alors, s'il te plaît, écoute-moi.
Et quand tu voudras que je t'écoute, demande-le-moi et je t'écouterai.

 

Écouter

Écouter est peut-être le plus beau cadeau que nous puissions faire à quelqu'un... C'est lui dire, non pas avec des mots, mais avec ses yeux, son visage, son sourire et tout son corps : tu es important pour moi, tu es intéressant, je suis heureux que tu sois là... Pas étonnant si la meilleure façon pour une personne de se révéler à elle-même, c'est d'être écoutée par une autre !

Écouter, c'est commencer par se taire... Avez-vous remarqué comment les "dialogues" sont remplis d'expressions de ce genre : "c'est comme moi quand..." ou bien "çà me rappelle ce qui m'est arrivé..." Bien souvent, ce que l'autre dit n'est qu'une occasion de parler de soi. Écouter, c'est commencer par arrêter son petit cinéma intérieur, son monologue portatif, pour se laisser transformer par l'autre. C'est accepter que l'autre entre en nous-mêmes comme il entrerait dans notre maison et s'y installerait un instant, s'asseyant dans notre fauteuil et prenant ses aises. Écouter, c'est vraiment laisser tomber tout ce qui nous occupe pour donner tout son temps à l'autre. C'est comme pour une promenade avec un ami : marcher à son pas, proche mais sans gêner, se laisser conduire par lui, s'arrêter avec lui, repartir, pour rien, pour lui.

Écouter, c'est ne pas chercher à répondre à l'autre, sachant qu'il a en lui-même les réponses à ses propres questions. C'est refuser de penser à la place de l'autre, de lui donner des conseils et même de vouloir le comprendre. Écouter, c'est accueillir l'autre avec reconnaissance tel qu'il se définit lui-même sans se substituer à lui pour dire ce qu'il doit être. C'est être ouvert positivement à toutes les idées, à tous les sujets, à toutes les expériences, à toutes les solutions, sans interpréter, sans juger, laissant à l'autre le temps et l'espace de trouver la voie qui est la sienne. Écouter, ce n'est pas vouloir que quelqu'un soit comme ceci ou comme cela, c'est apprendre à découvrir ses qualités qui sont en lui spécifiques. Être attentif à quelqu'un qui souffre, ce n'est pas donner une solution ou une explication à sa souffrance, c'est lui permettre de la dire et de trouver lui-même son propre chemin pour s'en libérer.

Apprendre à écouter quelqu'un, c'est l'exercice le plus utile que nous puissions faire pour nous libérer de nos propres détresses (c'est pour cela qu'il est si difficile d'écouter et que lorsque nous avons vraiment écouté une personne, nous éprouvons le besoin de pleurer...). Écouter, c'est donner à l'autre ce que l'on ne nous a peut-être encore jamais donné : de l'attention, du temps, une présence affectueuse. C'est en apprenant à écouter les autres que nous arrivons à nous écouter nous-mêmes, notre corps et toutes nos émotions, c'est le chemin pour apprendre à écouter la terre et la vie, c'est devenir poète, c'est-à-dire sentir le coeur et voir l'âme des choses. A celui qui sait écouter est donné de ne plus vivre à la surface : il communie à la vibration intérieure de tout vivant.

Il me semble que nous n'avons pas encore saisi combien cette écoute et cette attention affectueuse sont un puissant moyen de libération de la souffrance et de la détresse.

André Gromolard
Texte légèrement modifié pour devenir conforme à ce qui semble être la version originale.

 

Ecoute ce que je ne dis pas, je t'en prie

Ne te laisse pas tromper par moi.
Ne te laisse pas tromper par le visage que je porte,
car je porte un masque, mille masques,
masques que j'ai peur d'enlever,
et je ne suis aucun d'entre eux.

Faire semblant est un art qui est une seconde nature pour moi,
mais ne sois pas dupe,
pour l'amour de Dieu, ne sois pas dupe.
Je te donne l'impression que je suis sûr,
que tout est bien et sans problème avec moi, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur,
que je suis la confiance même et que je plane au-dessus de tout,
que l'eau est calme et que je suis bien aux commandes
et que j'ai besoin de personne,
mais ne me crois pas.
A la surface, je suis lisse et sans faille, mais ce n'est que mon masque,
toujours différent et toujours caché.
En dessous, il n'y a aucune complaisance.
En dessous résident la confusion, la peur et la solitude.
Mais je les cache. Je ne veux pas que quiconque le sache.
Je panique à l'idée que ma faiblesse soit exposée.
C'est pourquoi, je crée avec frénésie un masque pour me cacher derrière,
une façade nonchalante et sophistiquée,
pour m'aider à faire semblant,
pour me protéger des regards qui savent.

Mais ce regard est précisément mon salut, mon seul espoir,
et je le sais.
S'il est suivi par l'acceptation,
et s'il est suivi par l'amour.
C'est la seule chose qui puisse me libérer de moi-même,
des murs de la prison que j'ai érigés moi-même,
des barrières que j'ai dressées avec tant d'efforts.
C'est la seule chose qui puisse m'assurer
de ce que je ne peux m'assurer par moi-même,
que j'ai vraiment une valeur.
Mais je ne te le dis pas. Je n'ose pas, j'ai peur de le faire.
J'ai peur que ton regard ne soit pas suivi d'acceptation,
ne soit pas suivi d'amour.
J'ai peur que tu penses moins de moi,
que tu ries et tes rires me tueraient.
J'ai peur, qu'au fond, je ne sois rien,
que tu le voies et me rejettes.

Donc, je joue mon jeu, un jeu désespéré à faire semblant,
portant sans assurance une façade
et un enfant tremblotant à l'intérieur.
C'est ainsi que débute la belle, mais irréelle parade des masques,
et ma vie devient une façade.
Je bavarde avec toi de manière suave de sujets éphémères.
Je te dis tout de rien,
et rien de ce qui est tout,
de ce qui pleure à l'intérieur de moi.
Alors, quand je passe à travers mon scénario
ne te laisse pas berner par cette sérénade.
S'il te plaît, essaye d'écouter attentivement et écoute ce que je ne te dis pas,
ce que j'aimerais être capable de te dire,
ce que j'ai besoin de te dire pour survivre,
mais ce que je ne peux dire.

Je n'aime pas me cacher.
Je n'aime pas jouer les jeux superficiels.
Je veux arrêter de jouer.
Je veux être authentique, spontané et moi-même,
mais tu dois m'aider.
Tu dois me tendre la main
même si c'est la dernière chose que je semble vouloir.
Tu es la seule personne qui puisse effacer de mes yeux
le regard vide d'un mort vivant.
Tu es la seule personne qui puisse m'inviter à la vie.
Chaque fois que tu es aimable, doux et encourageant,
chaque fois que tu essaies de comprendre parce que tu portes attention,
mon coeur commence à avoir des ailes qui poussent -
de très petites ailes,
de très faibles ailes,
mais des ailes !

Avec ton pouvoir de toucher et de me faire sentir,
tu peux m'insuffler la vie.
Je veux que tu le saches.
Je veux que tu saches combien tu es une personne importante pour moi,
comment tu peux être un créateur - un créateur fidèle à Dieu -
de la personne que je suis
si tu le choisis.
Toi seul peux briser le mur derrière lequel je tremble,
toi seul peux enlever mon masque,
toi seul peux me libérer de mon monde ombragé par la panique,
de ma prison solitaire,
si tu le choisis.
S'il te plaît, choisis-le.

Ne passe pas à côté de moi.
Ça ne sera pas facile pour toi.
Plusieurs années à croire que je ne vaux rien ont érigé des murs très solides.
Plus tu approches de moi
plus je peux combattre aveuglément.
C'est irrationnel, mais en dépit de ce que les livres disent sur l'homme,
je suis souvent irrationnel.
Je lutte précisément contre la chose dont j'ai besoin.
Mais on dit que l'amour est plus fort que les murs
et c'est là que réside mon espoir.
S'il te plaît, essaye d'enfoncer les murs
avec une main ferme, mais douce,
car un enfant, c'est très sensible.

Qui suis-je, tu te demandes peut-être ?
Je suis quelqu'un que tu connais très bien.
Car je suis chaque homme que tu rencontres
et je suis chaque femme que tu rencontres.

Charles C. Finn, Septembre 1966, Please Hear What I'm Not Saying

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